mercredi 20 août 2008

Sudbury, c'est moi toute nue

Je me la suis posée la question aujourd’hui. Est-ce que je vais tougher? Est-ce que je vais être capable de trouver des choses à dire sur Sudbury au quotidien pendant un an, deux ans? Ce n’est qu’une ville après tout. Une semaine en affaires et tu n’as déjà plus d’idées? Pour qui tu te prends? Pour qui tu t’es prise?

J’ai tenté de trouver des blogues sur les villes qui ressemblent un peu au mien pour y piquer des idées de temps en temps. Rien.

J’ai cherché des articles savants sur Sudbury dans l’internet pour apprendre qu’on y allaite nos enfants moins longtemps que la moyenne ontarienne, que les traces d’hélium dans la terre sudburoise proviennent de sources extraterrestres et que la consommation d’alcool n’a pas augmenté - a même chuté - chez les mineurs lors de la grève d’Inco en 1978-79, une des plus longues grèves de l’histoire canadienne.

En marchant sur ce fameux chemin du lac Ramsey pour enfin retrouver mon chez soi, je me suis souvenue du moi d’avant Sudbury et j’ai compris que la question que je me posais était impertinente et, qu’encore une fois, mon méchant alter ego me faisait douter de moi.

Cette ville a changé ma perception du monde, C’est le plus beau compliment, selon moi, que l’on puisse faire à un être.

Si je n’y étais pas arrivée, je serais enseignante dans une école française du sud de la province au bord de la crise de nerf, parce que « t’es beaucoup trop sensible pour l’enseignement, ma grande ».

Je n’aurais pas non plus écrit la première ligne de mon plus grand rêve et je l’affirme sans hésitations.

Une ville, c’est une ville, mais il y a de ces villes frontières « auxquelles la littérature a daigné reconnaître une personnalité, conférer une présence mythique, emprunter une atmosphère… »[i].

Une ville, c’est une ville, vous dites, mais il y a de ces rares villes frontières qui sont, sans gêne ni pudeur, « l’espace extérieur de l’intérieur »[ii].

C’est ça, Sudbury. Mon moi exhibé.

C’est pour ça que je ne parle pas beaucoup. Je suis toute nue devant vous!

[i] Normand Renaud, « Aux portes de l’enfer : Sudbury dans l’imaginaire littéraire », dans Liaison, numéro 69, 1992, p 20.

[ii] Fernand Ouellette à propos du Carmel de Thérèse Lisieux, cité dans Pierre Nepveu, Intérieurs du Nouveau Monde, Boréal, 1998, p. 294.

2 commentaires:

  1. Je te fais part de la réflexion que m’a inspiré ton commentaire :

    Quelle est la part de mon imaginaire qui se nourrit d’ici? Quel est le rapport entre ce que je suis et mon code postal ? Dans quelle mesure Sudbury fait-il partie de moi?
    Chez moi, c’est parfois ici, parfois ailleurs. Cela dépend du livre que je lis, du film que je visionne, de la pensée qui m’habite… Est-ce important que mon imaginaire coïncide avec la ville que j’habite, que mes univers physique et psychologique s’harmonisent entre eux? Peut-être?

    N’est-il pas légitime de constamment chercher à s’éloigner de ce que l’on est, d’où nous sommes? Ne l’est-il pas autant de toujours chercher à vouloir coïncider avec soi-même, de se rapprocher de l’air que l’on respire?

    Est-ce que ce mon moi doit nécessairement s’implanter dans un espace physique?

    Dans une certaine mesure, une ville c’est l’autre, l’ailleurs, l’extérieur, l’altérité.

    À cet égard, mon rapport avec Sudbury prend la forme d’un dialogue qui nous transforme, de part et d’autre.

    Par ailleurs, une ville c’est aussi les gens qui l’habitent.

    Est-ce que je conçois Sudbury avant tout comme une partie intégrante de ce que je suis ou comme la ville de ceux qui m’empêchent de respirer librement?

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  2. Et la réflexion que m’a inspiré ton commentaire :

    Je ne peux pas donner un ordre de grandeur à la part de mon imaginaire qui se nourrit d’ici (ou d’ailleurs), pas plus qu’établir un lien sans faille entre mon code postal et moi (même si je semble promouvoir le contraire dans ce blogue). On pourrait peut-être trouver une partie de la réponse chez un mathématicien?

    La relation qui existe entre qui je suis et l’espace physique que j’habite, que j’ai habité, que je souhaite habiter, tourne toujours comme une toupie autour de la ville où j’ai grandi. C’est peut-être d’à cause d’où l’on naît, des gens qui nous ont entouré et comment ils nous ont guidé, poussé ou laissé aller qu’on finit par s’implanter mieux qu’ailleurs dans un espace physique particulier, cet ailleurs salvateur qui semble ressembler étrangement à notre intérieur.

    Une ville, c’est aussi les gens qui l’habitent, évidemment. C’est peut-être la chance qui fait que je suis tombée, ici, parmi ceux que je cherchais et dont j’avais besoin pour respirer (enfin) librement.

    Merci d’avoir partagé ta réflexion et à bientôt.

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